Le mirage du Plan pour une économie verte

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(Mise à jour le 14 décembre 2022)

Le Plan pour une économie verte1 annoncé par le gouvernement Legault le 16 novembre 2020 laisse la plupart des parties intéressées sur leur faim. Le plan a été qualifié de vert pâle par les environnementalistes et critiqué pour son manque d’ambition. Pour les alliés obligés du gouvernement, et ceux qui se nourrissent aux programmes d’aide financière, c’est un bon plan. Entre ces deux positions, on ne sent pas beaucoup d’enthousiasme ni trop de commentaires négatifs.

Des résultats…à long terme

Est-ce que le Plan pour une économie verte manque réellement d’ambition? Peut-être. Mais ce n’est pas tant le manque d’ambition qui saute aux yeux que l’horizon dans lequel il s’inscrit. Tout se fait dans le long terme, dans cet espace-temps nébuleux entre 2030 et 2050. Un horizon assez loin pour qu’on perde de vue en cours de route les objectifs visés et les résultats attendus.

Ça fait plus de 30 ans que les mêmes fonctionnaires aux ministères des ressources naturelles et de l’environnement font systématiquement appel aux mêmes consultants pour préparer des plans de toutes les variantes de verdure possibles. Ces plans reposent sur des études préparées par ces mêmes consultants à la suite de « consultations » auprès des mêmes groupes d’intérêt.

Évidemment, les consultants qui produisent ces études ne sont quand même pas pour se contredire. Les plans gouvernementaux vont nécessairement finir par refléter les recommandations formulées dans leurs études, moyennant quelques petites variantes d’un gouvernement à l’autre.

Il n’est donc pas étonnant, après toutes ces années, que l’inspiration fasse défaut. Il y a peu sinon pas de place pour les nouvelles idées. En toute honnêteté, toutes les bonnes idées ont déjà été mises sur la table à un moment ou à un autre. Ce qui manque, chaque fois qu’on s’y penche, c’est une volonté politique ferme d’accomplir quelque chose de véritablement mesurable et vérifiable.

La vraie couleur du plan vert

Le Plan pour une économie verte est en réalité un plan turquoise résultant d’un mélange de vert et de bleu. Bleu comme l’eau qui coule dans nos rivières et qui alimente nos barrages hydroélectriques. Bleu aussi comme la couleur du gaz naturel renouvelable. Comme le gouvernement le suggère lui-même, il s’agit d’un plan d’électrification.

Un plan d’électrification donc, mais un plan qui tire quand même dans toutes les directions. Mine de rien, en reconduisant le plan directeur de Transition énergétique Québec jusqu’en 2026, c’est continuer à soutenir des initiatives pour faire plaisir à tout le monde. En voulant toucher à tout, le plan perd de son réalisme, et on finira sans doute par ne rien faire de véritablement concret nulle part.

Tout sur l’électrification

A priori, mettre l’accent sur l’électrification des transports au Québec tombe sous le sens. Nous ne produisons pas de pétrole ni de gaz naturel. Nos ressources hydrauliques – complémentées par quelques centaines d’éoliennes – nous permettent de produire de l’électricité propre en quantité suffisante, pour l’instant.

La prépondérance de l’électrification des transports dans le dernier plan pour une économie verte du gouvernement du Québec est tout de même louable. Après tout, les émissions de GES au Québec sont principalement dues au secteur des transports.

Électrifier les autobus et, à la limite, les camions est tout à fait logique. Le Québec fabrique des autobus électriques et en exporte maintenant aux États-Unis. On peut penser que différents modèles de camions vont suivre. Bref, accorder des aides financières aux sociétés de transport en commun du Québec pour créer une demande pour des produits fabriqués au Québec est logique, et le plan pour une économie verte contient des éléments susceptibles de soutenir la croissance de cette industrie.

Mais continuer d’accorder des aides financières pour l’achat de voitures électriques ne fait absolument aucun sens au Québec.  D’autant plus que le Québec, à cause de sa population modeste, n’a aucune espèce d’influence sur les marchés mondiaux des voitures électriques. Nos achats de tels véhicules ne représentent qu’un iota à l’échelle mondiale. Bref, la transformation des marchés en faveur des véhicules électriques va se faire quasiment d’elle-même. Et nous aurons éventuellement les réductions de GES conséquentes gratuitement.

Se convertir ou périr

La marche mondiale vers les véhicules électriques est irréversible. Les grands manufacturiers automobiles sont déjà fermement engagés dans la bataille. Ils ont très bien compris que tenter de maintenir des parts de marché pour les véhicules à combustion dans un marché voué au déclin mène directement à la faillite. Leur survie dépend donc de leur capacité à développer de nouveaux modèles de véhicules électriques et d’accaparer la plus grande part de marché possible le plus vite possible.

En clair, le développement du marché des véhicules électriques ne dépend plus d’une dynamique qui repose sur la demande des consommateurs, mais plutôt d’une accélération de l’offre. Dans un tel contexte, les aides financières pour les véhicules électriques représentent un gaspillage d’argent et d’efforts. C’est un peu comme arroser un jardin pendant une averse. La récolte ne sera pas meilleure.

Le Québec ne fabrique pas de voitures électriques et ne le fera sans doute jamais. Chaque dollar offert en aide financière à ce niveau est un dollar qui s’exporte et aboutit dans les poches d’entreprises étrangères. Du gaspillage de fonds publics. Mais pour une première fois, le ministre de l’Environnement a laissé entendre que ces aides financières allaient éventuellement disparaître. Alléluia!

De l’autocongratulation à coup de millions

Nul besoin de se gratter la tête bien longtemps pour comprendre pourquoi les gouvernements, tant à Québec qu’à Ottawa, ne jurent que par les programmes d’aide à l’achat des véhicules électriques. Cette stratégie n’exige aucun effort particulier en matière de transformation des marchés. Il suffit en effet de sortir le chéquier et de laisser passer le temps. Rien d’autre à faire.

Comme mentionné plus haut, ce qui est déplorable ici, c’est que les gouvernements du Québec et du Canada n’ont absolument aucun contrôle, un gros 0 %, sur le développement de l’offre globale de véhicules électriques : les forces du marché font le travail à leur place.

Cependant, les aides financières des gouvernements vont leur permettre de se créditer 100 % des réductions des émissions de GES conséquentes de l’accroissement du parc de véhicules électriques. Et comme les deux gouvernements offrent des aides financières qui s’additionnent, les deux vont s’octroyer le même crédit. C’est se berner soi-même tout en se donnant bonne conscience. Pendant ce temps, ce sont les constructeurs d’automobiles qui se tapent sur les cuisses.

On s’en reparlera dans dix ans

Mais après plus d’une quarantaine d’années à faire semblant de faire des efforts pour réduire notre consommation d’énergie, plusieurs sont blasés et n’espèrent pas trop des différents plans verts produits par les gouvernements successifs.

De plan vert en plan turquoise, nous semblons nous condamner à recycler des initiatives qui n’ont jamais été menées à terme. En bout de ligne, on se ramasse donc avec une sloche insipide qui parle de tout et de rien en des termes vagues et nébuleux, des cibles mouvantes et des objectifs vasouilleux.

Le Plan pour une économie verte repose en très grande partie sur des changements structuraux externes aux influences du Québec. Bref, si le plan échoue, ce sera la faute des autres. Si ça marche, ce sera grâce à nos efforts.

Il se peut que le gouvernement ait très bien réussi à endormir l’opinion publique en lui offrant un mirage dont les cibles sont vaguement perceptibles dans un horizon lointain.

Nous verrons bien assez tôt jusqu’où va se rendre la volonté politique cette fois-ci.

Notes

  1. http://www.environnement.gouv.qc.ca/plan-economie-verte/bref.htm

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