Gros party pour les voitures électriques

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Avant le dépôt du Budget 2019-20 le 21 mars dernier, tous savaient que le gouvernement du Québec nageait dans les surplus. L’économie roule à plein régime, la main d’œuvre se raréfie, les recettes fiscales dépassent toutes les prévisions. C’est l’ivresse de l’abondance. Profitons-en. Ça ne durera pas, et le réveil sera brutal.

Champagne!

Certaines personnes attendaient peu ou pas grand-chose de ce budget en matière de lutte aux changements climatiques. Elles ne sont pas déçues. D’autres espéraient des actions concrètes et nouvelles. Ils ont vite déchantés. Les grands gagnants sont les fabricants de voitures électriques du monde entier, ces derniers ont sabré le champagne et célébré. Le gouvernement du Québec a en effet décidé de leur donner, littéralement, 408,9 millions de $ au cours des deux prochaines années.1

Dans le cadre du programme Roulez vert, le gouvernement va continuer à offrir des rabais pour l’acquisition de véhicules électriques neufs. Une grave erreur. Le gouvernement a décidé de conserver l’un des pires programmes d’aide financière jamais imaginé au Québec. Même erreur à Ottawa deux jours plus tôt. Décidément, il doit y avoir quelque chose dans l’air.

Non pas que la voiture électrique n’ait pas sa place au Québec. Au contraire. Avec une abondante source d’approvisionnement hydroélectrique et des tarifs parmi les plus bas en Amérique du Nord, leur utilisation est des plus économiques, et la période de retour sur l’investissement ne justifie aucunement les subventions actuelles.

Avec des économies annuelles de carburant d’environ 2 000 $, le surcoût pour l’achat d’un véhicule électrique se paye en 48 mois. Pas 20 ans, mais 4 ans! Je ne comprends pas et je ne comprendrai jamais pourquoi on subventionne un produit qui se paye de lui-même avec les économies qu’il engendre. Il est là, le noeud du problème.

Autres pertes pour le gouvernement

Le coût du programme Roulez vert est toutefois beaucoup plus élevé que ce qui est indiqué au budget. En favorisant les voitures électriques, le gouvernement subira une perte fiscale récurrente de 33 millions de $ par année. Regardez le tableau suivant.

Ce tableau présente les composantes du prix de l’essence ordinaire, à Montréal, pour la semaine du 11 mars 2019. Comme vous pouvez le constater, le gouvernement du Québec reçoit 29,45 cents par litre d’essence essentiellement via la taxe sur les carburants (19,20 cents/litre) et la TVQ (10,25 cents/litre).2

Supposons que vous remplaciez votre Honda Accord qui consomme en moyenne 9,2 litres d’essence au 100 km, disons 9,0 pour faire des chiffres ronds;3 supposons encore que vous rouliez 20 000 km par année; vous consommerez 1 800 litres d’essence. Le gouvernement collectera donc en taxes 29,45 cents X 1 800 litres pour un total de 530,10 $.

Supposons ensuite que vous achetiez une Honda Clarity Plug-In qui a besoin de 19,0 kWh d’énergie au 100 km. Donc, 20 000 km multipliés par 19 kWh divisés par 100 km, ça donne 3 800 kWh. Selon Hydro-Québec, « la recharge d’un véhicule électrique s’effectue au tarif de la deuxième tranche » soit 0,0912 $/kWh. En y ajoutant les deux taxes, TPS et TVQ, vos coûts annuels en électricité pour votre nouvelle Honda sera de 398,62 $ par année. De ce montant, le gouvernement du Québec collectera 34,58 $ en taxes de vente.4

Donc, en sacrifiant les taxes perçues sur les litres d’essence que vous ne consommerez plus, soit 530,10 $, mais en gagnant celles que vous paierez sur l’électricité, soit 34,58 $, le gouvernement subira une perte fiscale de 495,52 $ par véhicule électrique. Arrondissons à 500 $. Comme le gouvernement pense que son programme ajoutera 66 000 nouveaux véhicules électriques sur les routes, il perdra 33 millions de $ en recettes fiscales, par année, pour la durée de vie de ces véhicules électriques.

Bien sûr, le gouvernement finira bien par recevoir sa quote-part des profits engendrés par l’augmentation des ventes d’électricité pour ces 66 000 voitures électriques. Mais à ce stade et à l’échelle de l’ensemble des revenus d’Hydro-Québec, on parle de sommes dérisoires.

De l’argent par les fenêtres

Mis à part des autobus, et j’y reviens dans quelques paragraphes, le Québec ne fabrique pas de véhicules électriques. On ne fait pas d’assemblage non plus et nous ne le ferons probablement jamais. L’achat d’un tel véhicule ne procure pas davantage de retombées économiques directes au Québec, en tous cas, pas plus que ce qu’aurait engendré l’achat d’un véhicule à essence. Aussi, chaque fois que le gouvernement du Québec donne une subvention à l’achat d’un véhicule électrique neuf, c’est comme si nous exportions de l’argent sans rien gagner en retour. Faut le faire.

Les pays du golfe persique se sont vautrés dans les pétrodollars il y a une quarantaine d’années. Les fabricants de voitures électriques se vautrent maintenant dans les “écodollars”. Écodollars parce que les subventions proviennent du Fonds vert et que le Fonds vert est garni essentiellement par les contribuables québécois. Directement, par le biais d’une taxe sur le carburant et, indirectement, via des permis d’émissions vendus à la bourse du carbone.

Qui plus est, ce programme d’aide financière fait une totale abstraction des taux d’opportunisme chez les acheteurs de voitures électriques. On ignore complètement combien d’individus auraient normalement acheté ces véhicules en l’absence de subvention. En gros, on donne de l’argent gratis à des gens qui n’en demandent pas. Quiconque a moindrement travaillé dans le domaine de l’efficacité énergétique connaît ce concept. On en débat à la Régie de l’énergie depuis quelques décennies. Ce «détail» est totalement absent de l’ensemble des programmes mis de l’avant par Transition énergétique Québec. C’est consternant.

Trop d’argent dans le Fonds vert? On verra.

Il est certain que, si on nage dans les milliards du Fonds vert et qu’on cherche à s’en débarrasser, les subventions aux voitures électriques est une option intéressante. De tout temps, presque partout, on mesure le succès des programmes d’aide financière des gouvernements en fonction de la capacité de dépenser et non en fonction de la performance réelle des programmes. Le Québec n’y échappe pas.

Pourtant, les 408,9 millions $ du programme Roulez vert auraient pu rouler vert dans une autre direction. Par exemple, on aurait pu acheter des autobus électriques fabriqués au Québec. Eh oui, la compagnie Lion a tout plein de beaux modèles à mettre sur le marché. Elle a même de jolis camions de livraison.

Investir 408,9 millions de $ dans la fabrication d’un produit québécois, ça doit sûrement aider à créer des emplois à 50 000 $ non? Et ça doit aussi aider à créer un volume critique de fabrication qui permettrait de songer à l’exportation. Et en plus, on aurait pu faire plaisir à bien des maires du Québec en distribuant gratuitement de beaux autobus électriques “made in Québec” aux sociétés de transport en commun de nos grandes villes. Une pierre deux coups. On encourage le transport collectif et on enlève des voitures de la route. Me semble que c’est logique.

Comme il est écrit dans les documents budgétaires, le gouvernement déterminera les paramètres du programme au-delà du 31 mars 2021. On verra bien de quoi sera fait le prochain plan d’action sur les changements climatiques.

On verra…

Notes

  1. Budget 2019-2020 – Plan budgétaire, page E-16.
  2. Ces informations sont disponibles sur une base hebdomadaire au: https://mern.gouv.qc.ca/energie/energie-prix-essence.jsp 
  3. Voir le site suivante de Ressources naturelles Canada pour des renseignements complets sur les émissions des véhicules: https://www.rncan.gc.ca/energie/efficacite/11939 
  4. Hydro-Québec propose une excellent application sur son site Internet qui permet de faire ces calculs: http://www.hydroquebec.com/electrification-transport/voitures-electriques/calculez-vos-economies.html

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