Véhicules électriques et la cour à « scrap » des Amériques

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Il est bien de promouvoir l’usage des véhicules électriques. Personne n’est contre la vertu. À ce chapitre, le gouvernement du Québec est particulièrement vertueux – avec nos taxes, disons-le quand même. Comme on ne sait pas trop quoi faire avec les centaines de millions accumulés dans le Fonds Vert, on offre de très généreuses subventions pour l’achat de ces véhicules. La distributrice à subventions est d’ailleurs fort bien huilée. Le consommateur n’a pas à se rompre à faire des demandes d’aide financière. C’est son concessionnaire qui s’occupe de tout. Merveilleux.

Du neuf et de l’usagé

J’ai un ami, Louis, qui s’est laissé convaincre d’acheter une voiture électrique il y a quelques années. Au début, il était tout excité par son acquisition. « Ça roule en silence », qu’il disait. « Ça décolle comme une fusée », ajoutait-il. Mais, après un temps, assez court, et comme bien des gens, mon ami Louis a été déçu de son premier véhicule électrique.

Trop petit, trop peu d’autonomie, pas de place pour les passagers sur la banquette arrière, lire ici littéralement sur la banquette : aucune place pour les jambes. Évidemment, un espace réduit pour les bagages, tout juste assez pour quelques sacs d’épicerie. Impossible de transporter quatre golfeurs avec leur équipement, pour ça, on a dû prendre mon bon vieux VUS à essence.

Un jour, Louis a mal calculé l’autonomie de sa nouvelle voiture. Comme il n’avait pas de panneau solaire sur le toit du véhicule, la recharge ne fut possible qu’au prix d’un remorquage. Aussi, après dix-huit mois, et en marchant sur son orgueil, Louis a décidé de changer de bagnole. Une autre voiture 100 % électrique, évidemment. Légèrement plus spacieuse et un peu plus d’autonomie, mais aussi assez dispendieuse à l’achat.

Qu’à cela ne tienne. Louis a bien sûr eu droit à une autre subvention du gouvernement du Québec. En prime, il a aussi profité d’une aide financière du gouvernement du Canada qui s’ajoute sur celle de Québec. Ottawa cherche ainsi à rendre les véhicules zéro émission plus abordables.

Le recyclage interfrontalier

Évidemment, comme c’est le cas pour les véhicules neufs, la demande pour les véhicules électriques usagées est dopée par les aides financières. Louis n’a eu aucun problème à ce que son concessionnaire accepte sa voiture usagée en échange. Pour faire bonne mesure, son véhicule usagé qui, rappelons-le, avait été subventionné, le sera à nouveau pour le deuxième acheteur. Parce que, au Québec, on subventionne le neuf et le vieux, pas question de faire de l’âgisme.1

Flairant une bonne affaire, des entrepreneurs californiens ont eu la bonne idée d’expédier des bagnoles électriques usagées au Québec. Tant qu’à être partenaires dans le système d’échange des droits d’émissions de GES, autant être partenaires dans le recyclage des vieux véhicules. Seule condition pour entrer au Québec : que le véhicule usagé soit couvert au Canada par la garantie du manufacturier. Détail!

En échange, le Québec se ramasse avec des chars électriques de première génération dont personne ne voudra dans pas long. C’est comme si on subventionnait en masse l’achat de iPhone3 ou 4 usagés alors que les iPhone 10 sont sur le marché. Et on va en faire quoi de ces minounes électriques à la fin de leur vie utile? Il est vrai que nous sommes passés maîtres du recyclage au Canada. Nous l’avons fait avec de vieux sous-marins britanniques il y quelques années. Plus récemment, on a refait le coup avec de vieux F-18 de l’armée australienne. Alors pourquoi pas recycler aussi les autos des autres?

Énergie de transition?

Comme alternative aux combustibles fossiles, certains cherchent à ressusciter l’idée de développer un marché pour des véhicules à l’hydrogène. La Colombie-Britannique a essayé ça pour les olympiques d’hiver de 2010. La fameuse autoroute de l’hydrogène qui reliait Vancouver à Whistler avait d’ailleurs été subventionnée à coups de millions. Il fallait des olympiques propres.

On a donc construit et subventionné quelques des infrastructures de ravitaillement. Au final, la demande pour les voitures à l’hydrogène n’a pas suivi. Aux dernières nouvelles, la plupart des véhicules qui se rendent à Whistler roulent toujours à l’essence ou au diesel.

Mais les bonnes idées ne sont pas toutes nécessairement bonnes. L’hydrogène est un vecteur énergétique et non une source d’énergie en tant que telle. Autrement dit, ça prend une autre forme d’énergie pour produire de l’hydrogène et la manière la plus économique de le faire c’est l’hydroélectricité. L’abondance des ressources hydroélectrique fait penser que l’hydrogène est une bonne façon d’écouler les surplus d’électricité du Québec.

Intervenir à la bonne place – mais où?

Comme énergie de transition, l’hydrogène est sans doute une mauvaise bonne idée. Pour les véhicules, nous sommes condamnés à transitionner directement des combustibles fossiles à l’électricité.

Si, comme on le prétend, une voiture électrique permet de réaliser des économies de 2000 $ à 2 600 $ par année, pourquoi devrait-on subventionner leur achat? D’autant plus si on parle d’une voiture électrique usagée qui a déjà été subventionnée lorsqu’elle était neuve. Avec la subvention fédérale, le même véhicule sera potentiellement subventionné au moins trois fois. Ça commence à être facétieux et quelque peu indécent.

Il y a d’autres manières de promouvoir l’usage accru de voitures électriques. Selon certains, une façon autrement plus démocratique qu’une subvention directe individuelle, serait d’investir dans les infrastructures nécessaires au ravitaillement – notamment dans les bornes de recharge. Au moins ça sert à tous ceux et celles qui ont une voiture électrique ou qui voudrait s’en acheter une. C’est ce que font Hydro-Québec et le gouvernement du Québec.

Cette stratégie est-elle vraiment un gage de succès? Dans dix, quinze ou vingt ans, si la tendance se maintient, la voiture électrique aura supplanté les moteurs à combustion. Probablement mais peut-être pas non plus. En cette matière, on ne peut être sûr de rien.

Reste à voir comment cette électrification du parc automobile du Québec se fera et quelles en seront les conséquences. Pour le moment, les faibles tarifs d’électricité permettent d’envisager des économies intéressantes pour les propriétaires de véhicules électriques. L’abondance des surplus d’énergie électrique alimente, pour le moment, ces faibles tarifs.

Mais les surplus actuels ne sont pas éternels et un jour, vers 2041, ils vont s’évaporer définitivement.

Notes

  1. Merci à Yves Drapeau qui m’a fait remarquer que cette affirmation était fausse. Il semble en effet qu’un véhicule usagé, pour être admissible à l’aide financière, doit être immatriculé au Québec pour la première fois.  https://vehiculeselectriques.gouv.qc.ca/rabais/ve-occasion/conditions-rabais-vehicule-occasion.asp Ce qui renforce toutefois notre argument à l’effet que cette politique concernant les véhicules usagés favorisent leur importation au Québec.

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